Aujourd’hui, nous allons à la rencontre d’une jeune femme exceptionnelle, qui fait parler d’elle et du ‘ori tahiti (la danse traditionnelle tahitienne). Il s’agit de Tumata Vairaaroa. Elle nous raconte son parcours et ce qui la motive maintenant à partager sa passion.
Tumata Vairaaroa est une danseuse émérite de ‘ori tahiti. Elle évolue au sein de la troupe ‘O Tahiti E, a obtenu le troisième prix de la meilleure danseuse au Heiva i Tahiti 2012, alors qu’elle n’était dans cet ensemble que depuis trois ans, et bien d’autres prix encore depuis cette date. C’est sa grande passion et sa grande fierté. Aujourd’hui, ses vidéos et tutos sont parmi les plus vus sur les réseaux sociaux.
“Je veux danser !”
Son envie de danser est née dans son enfance, en voyant les groupes de danse au Heiva. “Tous les ans, je demandais à ma maman de m’inscrire dans une école de danse, mais elle refusait à chaque fois en disant que mon papa ne voulait pas. Ma mère aussi aime danser mais elle n’a jamais pu le faire.”
En effet, Tumata se heurte à son père dès qu’il s’agit de faire de la danse. “Mon père refusait que je fasse du ‘ori tahiti parce qu’il avait peur que je perde mon paréo devant les spectateurs, il ne voulait pas que je montre mon corps et ce qu’il voulait surtout c’était que je me concentre sur mes études.”
Malgré tout, la jeune fille qu’elle était alors n’abandonne pas son rêve : “Quand j’ai eu seize ans, j’ai pris la décision d’entrer dans une école de danse traditionnelle. Ma mère le savait, elle m’emmenait à mes cours de danse, m’achetait mes couronnes, mes tenues, tout ça sans que mon père le sache !” Celui-ci finira par avoir vent de l’incartade de sa fille et ce sera le début d’une bataille de longue haleine. “Mon père s’est vraiment fâché et nous avons même dû quitter la maison pendant un petit moment. Pendant très longtemps, il a refusé de me soutenir, de venir me voir danser.”
Le travail, la galère
En parallèle, la jeune femme suit un cursus scolaire classique. Après son bac, elle obtient une licence d’économie et de gestion. Elle se projette sur une carrière dans l’enseignement. “J’ai toujours voulu enseigner. Je voulais devenir professeure des écoles.” Pourtant, après deux ans passés en tant que professeure-stagiaire, Tumata décide d’enseigner aux plus grands en devenant professeure d’économie et de gestion. Elle décroche son master 1 en management dans cet objectif. Cependant, la naissance de son enfant l’oblige à trouver rapidement un emploi. Elle doit abandonner son rêve… Ainsi, pendant quelques années, elle occupera différents postes au sein de sociétés locales, passant de CDD en CDI.
En 2017, elle doit faire face à de grandes difficultés : “J’ai été licenciée de mon emploi de formatrice, ma vie de couple était devenue un enfer, mon image était bafouée. Tout allait si mal que j’ai même tenté d’en finir.” Cet acte surprend ses proches : “Mes parents n’avaient rien vu de ma situation parce que je gardais tout pour moi, je ne laissais rien voir de ce que je vivais. C’est seulement une fois que je me suis retrouvée hospitalisée qu’ils ont vu que ça allait mal.” Heureusement pour elle, ses parents sont là. Ils prennent soin d’elle et de son enfant.
“Après, je suis restée quatre mois enfermée dans ma chambre, en pleine déprime. Je ne voulais plus sortir parce que je ne voulais pas rencontrer les gens et avoir à raconter toute mon histoire. En fait, je ne sortais que pour aller aux répétitions de danse. Et même là, je rentrais vite chez moi !” Depuis, son père ne se soucie plus d’autre chose que du bien-être de sa fille.
Des séminaires pour s’en sortir
Dès lors, Tumata passe le plus clair de son temps sur les réseaux sociaux. Elle voit que Steeve Hamblin, dont elle a entendu parler par un ami, organise un nouveau séminaire. “Je voulais absolument y participer parce qu’il fallait que je sorte de là !” Accompagnée de son frère, elle participe à une session premium “ Ultimate Money Maker” en novembre 2017. Sa décision est prise, elle s’inscrit. “Je n’avais plus de travail, je n’avais pas d’argent, pas de carte bleue, mais je me suis dit que j’allais trouver l’argent !” Tumata n’est pas encore sortie de sa dépression mais elle commence à en voir le bout. Arrive le premier séminaire de formation. “C’était le séminaire Compta+. J’avais peur d’y aller, j’avais presque envie d’y assister à distance ! Mais mon frère m’a secouée et obligée à me lever. Finalement, ça s’est très bien passé. J’étais dans mon élément en comptabilité et j’ai même pris le micro !”
A partir de là, Tumata se reprend en main. Les paroles de Steeve la font réagir et elle se tourne à nouveau vers l’extérieur. “Je me suis mise à la recherche d’un emploi, j’ai passé quelques entretiens mais rien ne me convenait. Alors j’ai fait ce que Steeve avait dit au séminaire, j’ai fait la liste des choses que j’aimais faire. Et là, quand j’ai relu ce que j’avais écrit, j’ai vu que tout était en rapport avec la danse, et rien avec la comptabilité ou avec la gestion !”
A la recherche de son “Why”
Cette prise de conscience mène la jeune femme à réaliser dans quel domaine elle doit désormais concentrer ses efforts. Le ‘ori tahiti est, depuis longtemps, ce qui la maintient en forme et surtout, ce qui lui a permis de surmonter les difficultés de la vie.
Alors elle réfléchit. “Je ne voulais pas ouvrir d’école de danse, je ne m’en sentais pas capable. Au séminaire BMA, j’ai appris qu’il faut répondre à une problématique. Je me suis donc posée la question de savoir ce dont les gens pouvaient avoir besoin dans la danse. J’ai noté tout ça, tout ce que je savais faire, le stylo est devenu vital (rires). Sur mon Facebook, j’ai relevé tous les posts qui avaient le plus de like et j’ai vu que mes partages sur la danse étaient bien appréciés. J’ai fait le tour de pas mal de groupes de danse qui participaient au Heiva i Tahiti 2018. J’accompagnais des copines pour les aider à faire leurs costumes. C’est là que j’ai vu les difficultés rencontrées par les danseurs et danseuses. Ils ne savent pas comment réaliser les bases de leurs costumes. Là où moi je passe deux heures, eux peuvent passer quatre heures et pour certains, des heures à ne plus compter et sans dormir !” Ce constat désole Tumata. Consciente de ne pouvoir aider tout le monde, elle a alors l’idée de réaliser des tutoriels en vidéo sur la fabrication des éléments d’un costume. “Je suis passée par là, je sais ce que c’est de passer deux jours sans dormir. Si j’avais eu des tutos pour me montrer les techniques, j’aurais pu me reposer avant les spectacles.” Tumata se lance. Elle fait ses propres vidéos, toute seule, sans vraiment d’expérience dans le domaine. Dès le départ, c’est un succès grandissant. On en vient même à lui conseiller de ne pas donner autant. “Je veux donner. La contribution est une de mes valeurs, avec le partage. Pour moi, c’est important d’aider les autres.”
Puis, grâce au séminaire “Train me”, elle découvre le montage-vidéo, qui rend ses tutos encore plus attrayants. “Mes vidéos ont atteint 10 000 vues et plus encore !”. Mais celle qui va la propulser est la fameuse vidéo en “slow-motion” où elle danse et qui atteindra le million de vues sur la toile ! “C’était juste pour le fun mais ça m’a donné à réfléchir…”
Une page Facebook
Du coup, Tumata a ouvert sa page facebook “Tumata Vairaaroa – Elite tahitian dancer & culture” où elle a regroupé toutes ses publications. Ses vidéos et tutos sont de plus en plus appréciés, commentés et partagés. Le sourire et la joie de vivre de la jeune femme, sa gentillesse et sa beauté et bien sûr, la magnificence de ses costumes végétaux dans l’écrin polynésien, sont indéniablement les ingrédients du secret de cette belle réussite… “Ce que j’aime, c’est que maintenant, mon image est associée à la danse polynésienne. Les gens ont oublié l’ancienne Tumata, celle qui avait un bon poste avec un bon salaire. Mon passé ne me fait plus souffrir, je peux en parler.”
Les projets à venir
“J’ai toujours gardé cette envie d’enseigner, de former les autres personnes. Ce que j’aimerais, c’est de proposer des cours de danse en ligne, qui seront payants. Je vise surtout les danseurs à l’étranger, pour les inciter à venir sur Tahiti. L’inscription donnera accès à mes vidéos de formation et en bonus, il y aura tous mes tutos à disposition sur le site. ”
Ce qui lui tient particulièrement à coeur, c’est de faire en sorte de transmettre ce qu’elle ressent dans la danse polynésienne. “Une fois, j’ai vu une vidéo d’une danseuse locale. La musique qui accompagnait sa danse était triste, les paroles racontait un événement très malheureux. Pourtant, la danseuse était toute souriante ! Cela m’a choquée mais surtout m’a montré qu’il est important de comprendre le texte sur lequel on danse !” Elle a donc décidé d’intégrer à son site une partie consacrée aux textes des chants et à leur traduction en langue étrangère. En plus, elle compte donner la chance aux jeunes compositeurs locaux de l’accompagner dans ses vidéos. “J’aurais l’exclusivité des compositions et eux bénéficieront de mon travail pour se faire connaître localement et à l’international.”
Son projet ne s’arrête pas là car Tumata a bien d’autres idées en tête. Mais nous vous en laissons la surprise…
Le message de Tumata
“J’aime bien dire ceci :
Que votre passion devienne vos actions de demain.
Ce que je veux dire, c’est qu’il est important de savoir qui on est vraiment, d’aller à la découverte de ce que l’on aime, de ce qui nous passionne. Réfléchir sur soi-même et aller à la rencontre de soi-même, en fait. Et après, transmettre sa passion parce que ça peut aider les autres. Je crois que si tout le monde fait ça dans la vie, il y aura plein de solutions !”
Texte : Meria Orbeck / Photo : Tumata Vairaaroa