Viriamu Itae-Tetaa, prodige du piano, va intégrer à la rentrée d’août 2019 le prestigieux Royal College of Music de Londres. Il est le premier Polynésien a y être admis.
Viriamu Itae-Tetaa, âgé maintenant de 20 ans, est un jeune homme discret. En vacances sur le fenua, il répète ses gammes et ses partitions quatre à cinq heures par jour au Conservatoire artistique de Polynésie française, où il a libre accès à son instrument favori. “Mes compositeurs préférés sont ceux de la période romantique, Rachmaninoff, Liszt, Chopin. J’aime beaucoup Scriabine, qui est bien moins connu et que j’ai découvert en me perdant sur Youtube.”
Viriamu a découvert le piano à l’âge de trois ans. “Je ne l’ai pas choisi, c’est ma mère qui a voulu que je joue du piano parce qu’elle-même en jouait étant jeune.” nous explique le jeune homme. Il débute sa formation au Conservatoire Artistique de Polynésie française alors qu’il n’a que quatre ans, quand ses parents reviennent s’installer à Tahiti. Il devient rapidement un très bon élément du Conservatoire, qui lui conseille de continuer vers une formation musicale en France. A l’âge de 12 ans, il intègre le Conservatoire de Rouen, tout en suivant son cursus scolaire. Il n’a pas encore à ce moment-là l’idée de faire carrière dans la musique et se dirige vers des études scientifiques : “Il y a trois ans, j’ai intégré Maths Sup à Lyon-Saint-Etienne et je n’avais plus le temps de jouer, même si j’étais aussi au Conservatoire. Je n’ai monté qu’un seul concerto dans l’année, c’est très peu. C’est là que je me suis rendu compte que la musique m’avait beaucoup manqué et qu’au final, c’était ce que je voulais faire et pas des sciences.”
Retour donc à Rouen où Viriamu se prépare, pendant deux ans et demi pour passer le concours d’entrée dans un Conservatoire supérieur. Il vise le Royal College of Music de Londres car c’est le second Conservatoire le plus réputé au monde et le premier en Europe, avec des professeurs reconnus ou le CNSM à Paris. “Londres, c’était beaucoup mieux en terme de niveau et de prestige et Paris avait l’avantage de simplifier les choses en terme de rapprochement familial. J’étais partagé.” Viriamu se présente donc aux deux concours d’entrée et finalement, obtient son pass pour le Royal College of Music de Londres. “Je m’étais bien préparé mais je ne m’attendais pas trop à être accepté. Il y avait plus de deux cents candidats à Londres et il y a plusieurs centres d’examens dans le monde, à New York, Tokyo… Le concours a eu lieu vers le 6 décembre 2018 et nous avons eu les résultats le 26 décembre. J’étais vraiment super heureux de la nouvelle, c’était un beau cadeau de Noël !”.
En pratique, le concours pour intégrer ce Conservatoire de niveau mondial se passe en deux temps : un premier tour de sélection où le candidat doit jouer un morceau préparé suivi d’un entretien avec un jury de deux personnes. Ensuite, le candidat se voit imposer une partition qu’il doit lire puis jouer. Au second tour, le candidat doit rejouer les mêmes morceaux et passer un entretien avec un jury composé de deux professeurs émérites en la matière. “Je ne savais pas qu’il y avait un second tour. Là, l’entretien a été beaucoup plus poussé.” Finalement, non seulement Viriamu a réussi le concours d’entrée, mais en plus il décroche une bourse au mérite, qui n’est attribuée qu’aux meilleurs de la sélection !
A la rentrée de mi-septembre, Viriamu ne sait pas encore s’il sera en première année ou directement en troisième année, mais le cursus de six ans lui permettra d’obtenir des diplômes (bachelor et master). Il a de plus choisi comme option la composition de musique de film. “J’adore composer de la musique et dans ce Conservatoire, on a la possibilité de voir ses propres morceaux joués par les excellents musiciens de l’orchestre de l’école. C’est quand même mieux que sur un logiciel !” A terme, Viriamu souhaite revenir sur le fenua pour transmettre ce qu’il aura appris, mais d’ici là, il compte bien remporter le plus de prix possibles et pourquoi pas composer ses propres musiques de films.
Viriamu Itae-Tetaa sur une adaptation libre au Conservatoire artistique de Polynésie Française : Le pirate des Caraïbes
Texte et photo : Meria Orbeck / Ecrivain Public Tahiti / Juillet 2019